Ces dernières semaines, j’ai été frappée par la richesse des échanges sous mes publications sur l’évolution fulgurante de l’IA générative. La peur de perdre son travail revient sans cesse. Et pendant ce temps, chaque mois, la Silicon Valley dégaine un nouveau modèle : plus rapide, plus performant, plus cher. Derrière, il y a les GPU – ces processeurs capables de réaliser des milliers de calculs en parallèle, devenus indispensables pour entraîner l’IA. Nouvel or noir du XXIᵉ siècle, ils alimentent une véritable bataille de machines et d’algorithmes.

Pourtant, pour nous utilisateurs, la vraie bataille ne se joue pas dans les data centers, mais dans nos esprits. L’IA est une révolution technologique, certes, mais son impact le plus profond est d’ordre cognitif. Elle bouleverse notre rapport au savoir, à la vérité, à la créativité. Elle met à l’épreuve nos capacités de discernement.

L’histoire le rappelle : l’imprimerie n’a pas seulement multiplié les livres, elle a fait naître l’esprit critique. La télévision n’a pas seulement diffusé des images, elle a transformé notre attention collective. Internet n’a pas seulement connecté des machines, il a redéfini nos identités. L’IA générative s’inscrit dans cette lignée : elle reconfigure notre manière de penser avant de transformer la technique.

Ce qui nous fascine en elle révèle aussi nos fragilités. Un texte parfaitement écrit peut être faux, une image réaliste totalement inventée. Nous faisons trop confiance à ce qui est fluide. Une infinité d’options paralyse nos choix. Une mémoire déléguée appauvrit nos raisonnements. Et cette créativité apparente n’est qu’une illusion : produire n’est pas inventer.

Les entreprises, elles, se trompent souvent de combat. Elles investissent massivement dans la technologie mais oublient de transformer leur culture cognitive. Résultat : la majorité des projets IA échouent. Non parce que les outils sont défaillants, mais parce que les organisations n’ont pas adapté leur manière de penser. La priorité n’est pas d’apprendre à “utiliser” ChatGPT, mais à questionner, cadrer, douter.

Dans ce contexte, le rôle du leadership est décisif. Le dirigeant de demain n’est pas celui qui installe un chatbot, mais celui qui construit une culture du discernement. Celui qui maintient la clarté de pensée dans un monde saturé d’automatismes. Celui qui, selon la distinction d’Hannah Arendt, confie à la machine le “travail” répétitif, mais réinvestit l’“œuvre” et l’“action” : donner du sens, incarner une vision, créer des récits.

L’IA ne remplace pas la pensée, elle la catalyse. Elle accélère la disparition du médiocre. Ceux qui exécutent seront remplacés. Ceux qui inventent et exigent deviendront essentiels. D’où l’urgence d’une véritable écologie de la pensée : cultiver l’attention, préserver la profondeur, développer l’esprit critique.

La question n’est donc pas : quelle machine sera la plus puissante ? Mais : quelle humanité voulons-nous cultiver à l’ère des machines ?

La bataille de l’IA n’est pas technologique. Elle est cognitive. Et c’est elle qui décidera qui restera sur le bord de la route.

Je suis conférencière et consultante. Je vous accompagne dans la compréhension du monde qui change via des conférences et ateliers pédagogiques de sensibilisation, de démystification et d’aide dans la prise en main des outils d’IA Générative. Si vous souhaitez réserver une conférence et / ou être accompagné à titre individuel ou collectif, merci de me contacter ici